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La Marseillaise sifflée : une indignation mal placée

dimanche 19 octobre 2008

La Marseillaise a été sifflée lors du dernier match France-Algérie au stade de France. C’est tout le gouvernement qui s’indigne. On ne peut qu’être frappé par l’ampleur des réactions face à un geste dont la signification même apparaît loin d’être claire.
Ces réactions laissent à penser que la France, la nation aurait été ainsi bafouée, insultée. Mais là encore on ne peut que s’interroger sur la symbolique même derrière l’acte car n’ont été visées ni des personnes physiques ni même le peuple Français. Pourquoi tant d’indignation ? L’identité nationale serait ainsi si menacée, la nation offensée. En d’autres temps, l’affaire aurait sans doute été rapidement close dès lors qu’il aurait suffi de la qualifier de ridicule autant que l’ont été les propos de tous les ministres et représentants de l’Etat déclarant inacceptable le fait de quelques supporters faisant le jeu d’une tentative de déstabilisation plus sportive que politique sans doute. Mais les temps aujourd’hui sont différents et rendent suspects ces hallali au plus haut sommet de l’Etat. Encore une fois, pourrions-nous dire, ils renforcent une vision de l’exclusion – Les bons Français constituant une France parée de toutes les vertus et les autres, les Etrangers ou les mauvais Français - et une stigmatisation de ceux qui décidemment ne respectent rien. En veut pour preuve, la réaction immédiate, avant même la précaution de vérifier quels seraient les coupables, visant à dénoncer les Tunisiens ou à la rigueur des Français, Tunisiens de souche qui montreraient ainsi leur manque d’intégration. « La France, aimez là ou quittez là ». Ce message déjà trop entendu, effrayant car maniant à la fois le chantage et l’obligation d’aimer tout comme l’époux tyrannique peut, on le sait, imposer à son épouse qu’elle l’aime si elle ne veut pas prendre le risque de représailles douloureuses. Tout cela est absurde et nous rappelle les heures sombres des temps où les nationalismes étaient encore une référence. Aujourd’hui qui peut encore penser que l’identité nationale est un concept moderne tandis que les urgences sont internationales et planétaires, urgences sociale, sanitaire, écologique.
Oui, nous devons revendiquer le droit de ne pas tout aimer dans la France d’aujourd’hui, et en particulier cette atteinte bien réelle cette fois portée par la nation à la dignité de ces hommes et ces femmes qu’on reconduit sans ménagement, sans humanité, sans considération de leur situation, à la frontière du pays. Voilà bien ce qui devrait provoquer « l’indignation générale » comme le titrait Le Figaro à sa Une il y a quelques jours. Il ne faisait hélas pas référence à une réaction des Français face à la politique actuelle de l’immigration, il faisait référence à la réaction de l’Etat face à quelques malheureux sifflets dans un stade de football. Tout cela est assez désolant eu égard aux atteintes de droits de l’homme qui ont cours dans l’enceinte même de notre nation de nos jours, atteintes dont nous sommes trop peu à nous indigner.

R.H., section LDH Paris 14/6