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Pour une autre croissance, celle qui vise à combattre la misère

vendredi 19 octobre 2007

Michel Tubiana, Président d’honneur de la Ligue des droits de l’homme, l’a rappelé lors de son discours d’accueil aux nombreux nouveaux adhérents lors de la réunion qui leur était proposée il y a un mois : La ligue des droits de l’homme est une organisation politique, non pas celle d’un parti politique mais prenant des choix politiques, ceux agissant pour la protection des droits de l’homme. L’éthique impose que la fin, là comme ailleurs, ne justifie pas les moyens, il est important de le rappeller en ces temps où des mesures gouvernementales la bafoue au nom de visées purement pratiques et dites décomplexées. Ces moyens doivent donc être à la hauteur, celle de l’homme, de l’homme debout. Il en est de ces moyens auxquels on oublie de penser tant ils sont brouillés par les messages des experts de la planète. Ce sont les moyens économiques. Discours d’experts d’un autre temps, d’un temps où le consensus de Washington édicté par l’économiste John Williamson suffisait à guider les pays en mal de croissance. Aujourd’hui certains ouvrages spécialisés font de la science économique une science qui vise en priorité à satisfaire aux désirs de l’homme, une science qui en tant que science humaine aurait ainsi oublié que son objectif premier devrait être de réduire la misère de l’homme – sans refuser dans un deuxième temps bien entendu de répondre à ses désirs. Camus l’écrit dans l’homme révolté : « Dans son plus grand effort, l’homme ne peut que se proposer de réduire arithmétiquement la douleur du monde ». Malgré une croissance mondiale inégalée, le FMI confirmant pour cette année un taux de croissance planétaire reconduit de 5% pour la cinquième année consécutive, le taux de chomage lui stagne à 6%. Il n’y a donc pas reflux de la pauvreté mais au contraire un creusement des inégalités. En France, le syndicaliste Marc Deluzet qui était l’invité de la dernière réunion de la section 14-6 nous le rappelle : à un instant donné, 10% de ceux qui travaillent touchent moins de 843 Euros par an, que dire de ceux qui sont au chomage. Martin Hirsch a dénoncé le silence éloquent autour de la publication par l’Insee en Juillet de l’évolution du taux de pauvreté en France en 2005 – dernière année connue – et qui annonce 260 000 personnes nouvellement pauvres. Au moment où Jacques Attali dans son rapport remis cette semaine à Nicolas Sarkozy, propose d’accroître la concurrence pour libérer la croissance, il convient de penser à ce que nous voulons comme croissance, sans doute une autre croissance que celle qui propose un modèle économique bercé de l’illusion que plus de croissance tirerait tout le monde vers le haut, ou pire, cynique au point de laisser croire que chacun peut passer « du bon côté ». Au moment où la sauvegarde de la planète nécessite d’envisager une autre croissance, il convient de rappeller que ceux que l’actuel gouvernement appelle dédaigneusement les droits-de-lhommistes, doivent également appeler à une autre forme de croissance, les deux mouvements doivent viser le même objectif : reléguer les principes actuels qui régissent le capitalisme au rang de principes dépassés, inefficaces. Un universitaire Américain Benjamin Barber dans son dernier livre, Comment le capitalisme nous infantilise, va plus loin encore en écrivant « dans la culture pathologique de l’économie consumériste, le comportement du consommateur se révèle remarquablement inconcialiable avec les tendances civilisatrices ». Militons donc pour une croissance, qui nous redresse au lieu de nous rendre misérables, dans tous les sens du terme.

R.H., section Paris 14/6