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Les Murs : le béton, les mots, ou la Fabrique de la désintégration ?

lundi 24 mars 2008

En organisant un séminaire sur les Murs le béton, les mots (lors d’unesoirée-débat le 21 Mars 2008 NDLR), mon but était très simple :
  Rassembler des interventions qui sont relativement nombreuses mais dispersées pour les faire connaître d’un public plus large que le public strictement militant.
  Continuer à allumer des contre feux contre la LQR (Lingua Quintia Republica) et le discours ambiant sur les sans papiers et plus généralement sur la real politik à mener contre les migrations qui prend pour prétexte la lutte contre le terrorisme et la concurrence internationale.
  En abordant la question du mur d’Israël, remettre cette question dans le droit commun et dans l’ensemble de la politique internationale. Il m’a toujours semblé, en effet, que la meilleure façon de sortir du racisme était la montée en généralité et le traitement par l’universalisme.

Dans ce projet, qui doit aboutir à un ouvrage collectif publié par les éditions Autrement, j’envisage d’intercaler sous forme d’encadrés, des histoires de sans papiers expulsés ou ayant échappé in extremis à l’expulsion, des récits d’audience au Tribunal administratif, des récits d’accompagnement en préfecture, etc. Des témoignages des conséquences des politiques de fermeture mises en œuvre.

La lecture de Ta’ayush de David Schulman (éd. du Seuil, 2006) qui raconte l’horreur quotidienne et la déshumanisation provoquée par le mur d’Israël, avec lequel ce pays est en train de s’auto-détruire nous a renvoyés à la nécessité d’interroger des témoins de la construction du mur entre Israël et la Palestine. On aurait pu imaginer de parler aussi du mur entre les Etats-Unis et le Mexique, mais il faudrait plusieurs années pour tout embrasser et il faut laisser du travail pour l’avenir.

La préparation de cette soirée m’a fait mesurer une fois de plus, s’il était nécessaire, à quel point toute tentative d’éclaircissement relative à Israël est compliquée et piégée. Je considère comme essentiel de toujours revenir à des valeurs universelles et de sortir Israël d’une "spécificité" et d’une exception qui pourrait désormais l’autoriser à ce qui est condamné pour d’autres. C’est pour moi la seule façon de sortir de l’antisémitisme et la seule façon d’œuvrer pour la Paix.
C’est pourquoi je revendique les mots camp, rafle et autres comme pouvant s’appliquer aujourd’hui à d’autres gens et notamment aux migrants parqués dans des "zones de rétention".
Les bateaux refoulés loin des côtes me rappellent les bateaux cages et le poujadisme raciste français d’aujourd’hui avec son cortège de dénonciations me semble appartenir à la même famille que la France de Vichy et sa milice.
En plaçant une séance sur le mur d’Israël dans ce séminaire, je voulais justement "désenclaver" ce qui se passe en Israël à la fois pour faire ressortir les particularités et pour montrer qu’un certain nombre de faits observés en Israël auraient pu l’être ailleurs ou en d’autres circonstances, notamment en Afrique du Sud ou dans tout processus de colonisation. Je suis de ceux et de celles qui ont lutté pour qu’il n’y ait pas de variables ethniques dans les statistiques d’Etat et qui rejettent toute naturalisation des catégories de pensée.

Beaucoup de travaux existent déjà mais ils sont assez mal relayés ou restent souvent cantonnés aux milieux militants et il semble qu’il y ait peu d’endroits, en dehors des colloques, où ces travaux sont mis en scène de façon à ce que les multiples facettes de la fermeture des frontières apparaissent dans leur cruauté et leur aveuglement . Il est essentiel de garder le courage de lutter contre la xénophobie pour ne pas dire le racisme qui ménage toujours peu ou prou les descendants de la France de Vichy, de la Milice et des dénonciations. Les responsables politiques, y compris à gauche , ont perdu leur âme en croyant conquérir cette frange de la population, en jouant la concurrence des victimes, en opposant les Juifs aux populations se réclamant de l’Islam ou désignées comme telles, en minimisant le racisme à l’égard des Roms, en montant les pauvres contre les étrangers de façon à ce qu’un bouc émissaire puisse continuer à assumer tous les maux dont cette société peut avoir à souffrir.

Paris, le 21 mars 2008

Elisabeth Zucker-Rouvillois
Membre de RESF Paris Sud-Ouest et de la Ligue des droits de l’Homme Section Paris 14/6.
Démographe, Laboratoire de Démographie Historique, Ecole des hautes études en sciences sociales