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Un décret passé inaperçu pour limiter la dénonciation des abus dans les Centres de Rétention Admisnistrative

dimanche 28 septembre 2008

Le rapport 2007 de la Cimade sur les centres et locaux de rétention administrative est particulièrement sévère envers la politique actuelle d’immigration dont la situation dans ces camps de la honte, qui n’a eu de cesse de devenir plus dramatique ces dernières années, se fait l’écho impitoyable. Le porte-parole de l’UMP Frédéric Lefebvre ira jursqu’à accuser, lors des derniers incidents comme les incendies du CRA de Vincennes en Juin et celui du Mesnil-Amelot en Août, les associations de soutien aux sans-papier de jeter de l’huile sur le feu. Cette politique zélée et aveugle du chiffre non seulement est insupportable à tous ceux qui ont été amenés à connaître par le biais des enfants, du voisinage, des associations, bref du tissu social local, des familles dans lesquelles au moins un membre est menacé d’expulsion mais également cette politique est niée par ses auteurs et défenseurs dans ses conséquences désastreuses sur le plan humain entraînant ainsi toujours plus de chocs successifs dans un grand nombre de couches de la population. Reste-t-il encore des Français pour croire que la politique française doit aller en priorité aux Français et que l’Etranger – dans tous les sens du terme – représente cet autre, cet inconnu qu’il faut garder à distance, qu’il faut voir toujours à la même heure à travers la petite lucarne, si partiale et édulcorée du JT du 20h, dont il faut se protéger dès lors qu’il menace notre unité et nos qualités si supérieures au reste d’un monde toujours perçu comme plus pauvre et sous-évolué. Cela peut prêter à rire mais la réalité de cette politique d’immigration repose bel et bien sur ces fondamentaux si navrants hérités d’un bloc massif culturel, nauséeux relent d’une pensée colonialiste et narcissique qui ne se dissout qu’avec grande difficulté dans une pensée moderne républicaine encore trop peu assise. La commission Mazeaud chargée de plancher sur une simplification juridique lors des procédures d’expulsion a désavoué en juillet cette politique ainsi que les dites voies de simplification mais le ministre de l’immigration n’en a cure et il annonçait lors même de la remise du rapport Mazeaud entre ses mains la prochaine signature d’un décret ouvrant un appel d’offres à d’autres associations que la Cimade pour assurer la nécessaire présence civile au sein des CRA. Ce décret vient d’être signé le 22 Août dernier. Gilbert Meynier, historien, professeur émérite à l’université de Nancy II, dénonce cette mesure qui met en grave danger l’aide aux étrangers car elle impose :
– « la division du marché de la rétention en huit lots, fragmentant la capacité d’avoir une vision d’ensemble sur la rétention, et mettant fin à toute possibilité d’élaborer le rapport annuel de la Cimade sur les CRA, qui fait autorité,
– l’engagement de respecter une confidentialité empêchant désormais toute action de témoignage sur les CRA
– la réduction du rôle des intervenants dans les CRA à une fonction d’information sur les droits, droits – notamment en matière de recours juridiques – que les étrangers retenus ne pourront désormais exercer que par leurs propres moyens : c’est la fin d’une vraie défense des étrangers. »

On le voit, tout est bon pour réduire les obstacles à cette politique des quotas. Les droits de l’homme ne sont pas vus par tous comme universels, en témoigne le vocabulaire utilisé dans ces dernières mesures gouvernementales, traduisant une pensée marchandisée ("appel d’offre pour un marché de défense des droits des étrangers") d’une problématique qui, pourtant, questionne d’abord et avant tout notre dignité d’être humain. Une telle politique de répression est indigne d’un pays qui se veut moderne, qui n’a pas peur de l’autre dans un mouvement de mondialisation dont il ne faut pas seulement se protéger. Cela les associations de lutte pour la dignité des sans-papier l’ont bien compris, leurs militants montrent là non seulement leur humanité mais l’éclatante modernité dont fait preuve leur résistance. Alors il est temps de se reposer la question : où sont les modernes ?

R.H., LDH Paris 14/6