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Vers une Europe des citoyens

dimanche 7 décembre 2008

Aucune carte du monde n’est digne d’un regard si le pays de l’utopie n’y figure pas.
Oscar Wilde

Après la présidence Française de l’Union Européenne et alors que les élections au parlement européen sont imminentes, le moment semble bien choisi pour parler de l’Europe telle que nous la souhaitons : un espace de droit, protecteur des libertés et favorisant la laïcité.
Pour la LDH, l’enjeu essentiel de cette construction est la place centrale que doivent jouer les droits de l’Homme dans son fonctionnement civil, politique, environnemental, culturel, économique et social. C’est sous cet angle que nous aborderons ici la problématique européenne.

1. Quelle est la situation aujourd’hui ?

Il est significatif et inquiétant que l’Europe soit considérée aujourd’hui comme un espace d’harmonisation vers le bas avec comme conséquence la peur des nouveaux entrants, alors que lors de l’intégration de l’Espagne et du Portugal, elle était perçue comme une locomotive capable d’améliorer les conditions de vie de ces nouveaux membres.
L’abstention croissante aux élections européennes comme aux référendums en est le symptôme le plus visible ainsi que la mauvaise connaissance du fonctionnement de l’Union (comme l’a prouvé l’eurobaromètre de mai 2008).
La construction européenne se faisant à 27 pays, aucun d’eux ne construira seul une Europe à son image mais nous pouvons imaginer le fonctionnement de cette l’Europe telle que nous la souhaitons, et nous mobiliser pour qu’un jour la réalité dépasse la fiction.
Le non irlandais au traité de Lisbonne en 2008 après celui en 2005 au Traité constitutionnel européen (TCE) de la France et de des Pays-Bas impose à l’Europe de se rapprocher de ses citoyens.

2. Quels sont les fondements de cette Europe que nous voulons ?

• La prise en compte de l’expression des citoyens rend indispensable une refonte des institutions.

Les textes fondamentaux Européens doivent être lisibles, compréhensibles et appréhendables par le citoyen.

La règle de l’unanimité au niveau européen conditionne la vision et le fonctionnement démocratique de l’Union. Cette règle de l’unanimité amène obligatoirement à la recherche du consensus et par conséquent, dans le contexte actuel de repli national, la recherche du plus petit dénominateur commun, voir au blocage, lors des négociations.
En revanche si cette règle de l’unanimité dans tous les domaines est abandonnée, elle doit s’accompagner de garanties contre la possibilité pour quelques pays d’imposer aux autres leurs points de vue.
Un espace politique européen doit émerger et être reconnu comme tel, avec comme corollaire indispensable une équipe dirigeante responsable devant les citoyens européens et/ou leurs représentants. Pour renforcer l’émergence d’une conscience politique européenne, ces derniers devraient être élus sur des listes transnationales présentées par des Partis réellement européens.
L’organisation simultanée des scrutins (élections ou référendums) dans cet espace politique serait également une avancée dans la mesure où elle permettrait une meilleure intégration politique des pays tout en préservant leurs spécificités. Nier le caractère multiculturel de l’Europe est le plus sûr moyen de construire l’Europe à côté de ses citoyens.

• Une harmonisation fiscale et sociale
Cet espace politique signifie également l’arrêt de la concurrence entre les pays ou plus exactement que cette concurrence se fasse sur des bases identiques. Cela signifie entre autres une harmonisation fiscale et sociale s’inspirant des expériences nationales les plus réussies et en aidant les pays les moins avancés dans ces domaines. Dans ce cadre, les textes européens et notamment la charte des droits fondamentaux doivent être des textes contraignants qui doivent s’imposer à tous les membres de l’Union Européenne sans exception.
L’union doit se doter des moyens de ratifier la Convention européenne des droits de l’homme et la Charte sociale européenne révisée de 1996. Elle doit également donner aux instances (la Cour européenne des droits de l’homme et le commissaire européen aux droits de l’homme,…) issues de ces textes, les moyens humains et financiers d’assurer complètement leurs missions.
Le choix de politiques ambitieuses et solidaires pour cet espace passe par un budget Européen cohérent avec ces objectifs. Ce budget facilitera le rattrapage des nouveaux entrants permettant ainsi une meilleure intégration économique et sociale des 27 pays européens.
Se rapprocher des citoyens, c’est prendre en compte leurs préoccupations quotidiennes et donc mettre un cadre protecteur pour l’ensemble des citoyens. L’emploi devrait être une préoccupation première de l’union au même titre que l’inflation. Un salaire dans l’Union doit permettre de vivre décemment dans le pays où il est versé.
Face à la tendance actuelle de la marchandisation, l’Europe se doit d’assurer l’égal accès de tous à un certain nombre de biens et services essentiels (à l’image des services publics en France) qui relèvent plus de choix de société que des règles du commerce. Parmi ces biens et services, on peut citer : l’accès aux soins, l’accès à un logement décent, la gestion des ressources naturelles (eau, énergie,…), les choix en matière de transport.
Si les deux premiers peuvent encore être gérés au niveau national avec les incertitudes que l’on connaît, la gestion des ressources naturelles et les choix en matière de transport, par les investissements qu’ils supposent et leurs impacts sur l’environnement, ne peuvent être faits qu’au niveau Européen.

• Une citoyenneté de résidence

Face à la peur de l’autre et à la sélection en fonction de l’utilité économique supposée des étrangers, l’Europe devrait opposer une vision « universelle » de la gestion des flux migratoires. Cela signifie que, si une régulation des flux est envisageable, la liberté de circulation et d’établissement doit être une réalité pour les européens comme pour les étrangers non communautaires régulièrement installés dans un des 27 pays de l’union.
Une véritable citoyenneté de résidence avec droit de vote aux élections locales doit être mise en place dans toute l’Union Européenne et pour tous les résidents.

• Une exigence démocratique renforcée

A l’image du référendum d’initiative populaire présent dans certain pays de l’Union, le citoyen européen doit avoir la possibilité de porter à la connaissance des instances politiques européennes ses préoccupations principales pour qu’elles soient débattues par ses représentants.
Afin concrétiser la citoyenneté européenne un statut des associations européennes doit être créé. Celles-ci devenant alors des relais citoyens véritablement européens.

Pour que cette Europe voit le jour, il faut que chaque membre de l’Union admette que, dans certains domaines, l’espace national n’est plus le cadre indépassable d’une politique ambitieuse, efficace et adaptée aux citoyens. Le cadre institutionnel de l’Union doit évoluer vers plus de démocratie et de transparence pour que le citoyen se sente responsable et acteur des politiques qui sont menées à Bruxelles et pas uniquement victime de celles-ci.

LDH Paris 14/6