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Garantir le droit à la santé et l’accès de tous à des soins de qualité

dimanche 7 décembre 2008

La Déclaration Universelle des Droits de l’Homme adoptée par l’Assemblée Générale des Nations Unies le 10 décembre 1948 reconnaît dans son article 25 un droit à la santé et à la protection sociale :
« Toute personne a droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, son bien-être et ceux de sa famille, notamment pour l’alimentation, l’habillement, le logement, les soins médicaux ainsi que pour les services sociaux nécessaires ; elle a droit à la sécurité en cas de chômage, de maladie, d’invalidité, de veuvage, de vieillesse ou dans les autres cas de perte de ses moyens de subsistance par suite de circonstances indépendantes de sa volonté.
La maternité et l’enfance ont droit à une aide et à une assistance spéciales. Tous les enfants, qu’ils soient nés dans le mariage ou hors mariage, jouissent de la même protection sociale. »

En France, cela s’est traduit historiquement par la mise en place d’un système de santé fondé sur un mécanisme de sécurité sociale national obligatoire, complété par des éléments de financement fiscal (notamment la contribution sociale généralisée) et par des assurances maladie complémentaires volontaires. Issue du compromis du Conseil National de la Résistance de 1944, la Sécurité Sociale a permis, par son principe fondateur « chacun contribue selon ses moyens et reçoit selon ses besoins », la mise en place d’un système d’accès aux soins solidaire, basé sur les transferts entre actifs et retraités, entre biens portants et malades. Le système de santé français, reconnu comme un des meilleurs au monde par l’Organisation Mondiale de la Santé, a permis depuis l’après-guerre une élévation sans précédent du niveau de santé de la population.

Pourtant, l’égalité face à la santé se dégrade et une part de plus en plus importante de la population se voit contrainte de renoncer à des soins ou de les reporter à plus tard. Il s’agit donc pour la LDH d’alerter sur cet état de fait et de promouvoir l’effectivité du droit à la santé et les conditions de l’égalité de tous dans l’accès à des soins de qualité.

Des inégalités croissantes face à la santé en France

Le reste à charge des ménages a progressivement augmenté
La quasi-généralisation des dépassements d’honoraires, la facturation de forfaits hospitaliers de plus en plus élevés non remboursés, le déremboursement croissant de médicaments, le faible remboursement des soins dentaires et d’optique, et depuis janvier 2008, l’instauration de franchises sur les boîtes de médicaments, certains actes paramédicaux et les transports sanitaires, ont progressivement augmenté le montant des frais de santé restant à la charge des assurés et de leurs ayants-droit.
Si la part relative des dépenses de santé prise en charge par la Sécurité Sociale reste stable à environ 77 % du total des dépenses, on parle, en montant, de plusieurs centaines, voire plusieurs milliers d’euros qui peuvent rester à la charge de certains patients.

Posséder une mutuelle de complémentaire santé devient de plus en plus déterminant pour un bon accès aux soins
La généralisation de la couverture maladie complémentaire sur les vingt dernières années n’a pas effacé les inégalités sociales face à la santé car les ménages pauvres et les étrangers restent les moins couverts. Malgré la mise en place de la CMU et de sa complémentaire, près de 10% des ménages (soit 5 millions de personnes) n’ont pas de couverture complémentaire en France. Vivant avec de très faibles revenus, ces personnes ne sont pas éligibles à la CMU et sa complémentaire. Ils renoncent à prendre une mutuelle, majoritairement pour raisons financières.
Et parmi les 90% de la population qui accèdent à une complémentaire santé, seule la moitié bénéficie de contrat dit collectifs (c’est-à-dire souscrits au sein de leurs entreprises) proposant une bonne couverture, même si elle est rarement exhaustive. L’autre moitié, notamment les personnes précaires et les personnes âgées, n’ont accès qu’à des contrats dits individuels souvent beaucoup plus chers en dépit d’une couverture moindre.

Les bénéficiaires de la CMU et de l’AME se voient opposer des refus de prise en charge ou des dépassements d’honoraires par les praticiens
La CMU, couverture universelle mise en place pour permettre aux plus défavorisés d’accéder aux soins, et l’AME, aide médicale d’Etat pour les personnes de nationalité étrangère sans titre de séjour, se heurtent dans leur mise en oeuvre à l’opposition de nombreux praticiens, qui refusent de prendre en consultation leurs bénéficiaires. On assiste également, dans la pratique, à la facturation de dépassements d’honoraires aux bénéficiaires de la CMU, alors que cela est interdit par la loi.

La désertification médicale de certaines zones rurales ou de banlieue ajoute une inégalité territoriale dans l’accès aux soins
Les déserts médicaux en zones rurales et en banlieues, liés à la liberté d’installation des médecins libéraux, auxquels s’ajoutent les fermetures d’établissements et de maternités de proximité, éloignent une partie de la population de soins adaptés.
L’inégalité territoriale provient aussi des conditions de logement, tout comme de la dégradation de l’environnement. Ainsi, on estime que 85.000 enfants sont atteints de manière irréversible par le saturnisme infantile, en lien avec la question du logement insalubre.

L’hôpital public, garant historique de l’accès aux soins de tous, pâtit de moyens financiers insuffisants
L’hôpital public est un lieu historiquement incontournable pour la prise en charge des pathologies lourdes et complexes, pour l’accès aux soins de tous et pour la recherche médicale de haut niveau.

Au final, sous l’effet combiné de toutes ces difficultés dans l’accès aux soins, c’est une frange importante de la population qui n’est pas correctement soignée. Les inégalités face à la santé en France reflètent les inégalités sociales et territoriales. Ainsi, l’espérance de vie à 35 ans est fortement corrélée à la catégorie sociale d’appartenance : en 2005, si l’espérance de vie à 35 ans d’un ouvrier est de 39 ans, elle est de 40 ans pour un employé, de 43 ans pour une profession intermédiaire, et de 46 ans pour un cadre.

Les fausses solutions : la responsabilisation individuelle des patients et la privatisation du système de santé et d’assurance maladie

La politique gouvernementale de responsabilisation des patients sur leurs dépenses de santé masque une volonté de faire changer profondément de nature et d’objectifs notre système de santé et de financement des soins
Face à ces réalités, le gouvernement décide d’ouvrir un débat résolument idéologique sur le financement de la santé en France, en proposant de faire le tri entre les dépenses de santé qui doivent continuer à dépendre de l’assurance-maladie solidaire et celles qui dépendront désormais de la "responsabilité individuelle" (c’est-à-dire qui seront in fine financés par les complémentaires santé – mutualistes ou privées – ou par les ménages eux-même).
Même si le glissement vers la responsabilité individuelle a de facto déjà été enclenché, avec la croissance des frais de santé restant à la charge des ménages, la généralisation de ce principe verrait se profiler un système de santé à plusieurs vitesses : un filet de sécurité avec des soins de base pour les personnes les plus modestes et une couverture par une assurance privée individuelle, fonction de la capacité financière de chacun.

C’est une décision politique qui serait lourde de conséquences et ferait profondément changer de nature et d’objectifs notre système de santé :
  Un changement de nature tout d’abord, car la responsabilité individuelle, qui est le système prévalant dans d’autres pays, aux Etats-Unis par exemple, repose sur une logique d’assurance privée et non plus sur la solidarité entre actifs et retraités, entre biens portants et malades ;
  Un changement d’objectifs ensuite, car la logique de responsabilité individuelle n’est pas en mesure de garantir l’égalité de tous face à la santé. On estime à 47 millions le nombre de personnes aux Etats-Unis n’ayant pas accès aux soins dont ils ont besoin.

Ces mesures, qui reflètent une volonté de privatiser de l’assurance-maladie, s’accompagnent en outre d’une même volonté de privatisation des soins, avec un hôpital public qui se trouverait recentré vers la prise en charge des maladies aiguës, du handicap et du grand âge, et géré selon le principe d’« autonomie de gestion ». Cela reviendrait à favoriser l’émergence d’un secteur privé et de lui confier les interventions chirurgicales lucratives, tandis qu’on confierait à l’hôpital public les missions lourdes et coûteuses – tout en mettant en place des mesures de limitations de ses dépenses.

Le responsabilisation individuelle des patients est une réponse politique inadaptée à la réalité des dépenses de santé en France
En toile de fonds du discours sur la « responsabilité individuelle », transparaît l’idée que les gens abuseraient du système. La réalité est tout autre.
En matière de santé, les besoins d’un individu à l’autre diffèrent beaucoup, et les dépenses sont extrêmement concentrées : en France, 10% des malades concentrent 60% des dépenses (patients atteints de maladies longue durée, en soins palliatifs ou fin de vie). C’est ce qui justifie, pour ce bien essentiel qu’est la santé, le maintien d’un mécanisme de solidarité.

En outre, malgré les idées reçues qui peuvent circuler, la socialisation des dépenses au travers de la Sécurité Sociale n’est pas plus onéreuse qu’un système d’assurance privée. D’après l’OCDE, en 2006, les dépenses totales de santé dans les principaux pays développés (sommes des dépenses publiques et privées) variaient de 7,7% du PIB au Royaume-Uni à 14,7% du PIB aux Etats-Unis, la France se situant à 10%.

Par bien des aspects, la logique de vouloir responsabiliser les patients est inadaptée aux défis que rencontre aujourd’hui notre système de santé, et semble plus tenir de l’idéologie politique et du lobbying des assureurs et des médecins que de la volonté d’assurer un droit à la santé pour tous.

Le débat fondamental : quels moyens pour quels objectifs de santé publiques ?

Une politique de santé ne peut se contenter de fixer des objectifs de dépenses
La santé coûte cher. Avec le vieillissement de la population, le développement de technologies de pointe coûteuses, la propagation de maladies chroniques et grandes endémies (cancer, sida, obésité,,… ), le retard accumulé dans certains domaines (prise en charge de l’autisme ou de la dépendance, …), il est vraisemblable que les dépenses de santé continueront à augmenter dans les années à venir. C’est un défi important à relever car on mesure le progrès d’une société à sa capacité et à sa volonté de rendre effectif le droit à la santé pour tous.
Pourtant, chaque année, au moment de la publication des comptes de la Sécurité Sociale, la bataille des chiffres qui a lieu autour du « trou de la sécu » tend à tenir lieu de débat sur la politique de santé publique.
Une politique de santé ne peut se contenter de fixer des objectifs de dépenses. Elle doit avant tout définir des objectifs de santé publique et s’assurer que les dépenses sont optimales par rapport à ces objectifs.
Il nous paraît anormal que seulement 2,5 % de ce budget soit consacré à la prévention.

Pour la LDH, il s’agit donc de promouvoir :
 un débat politique transparent sur les objectifs et les moyens que la collectivité veut accorder à la santé
 le passage d’une politique de soins à une politique de santé publique, qui développe la prévention - sans contrôle social – et agisse sur les facteurs déterminants de la maladie (conditions de vie et de travail)
 la pérennisation d’une assurance-maladie solidaire et d’un hôpital public performant, seuls en mesure de garantir à tous l’accès à des soins de qualité, combinant l’excellence technologique et le maillage territorial de proximité

A un moment-charnière où notre système de santé affronte un débat qui peut le faire changer profondément de nature, la LDH rappelle qu’une politique de santé publique ne saurait se restreindre à une politique de gestion des dépenses maladie, mais doit se fixer pour objectifs d’aborder la prévention, la protection sociale et l’accès à des soins de qualité comme un droit fondamental de tout être humain, quelles que soient sa nationalité et sa situation sociale.


LDH Paris 14/6