Accueil > Justice et Prisons > Contre une réforme régressive de la justice des mineurs

Contre une réforme régressive de la justice des mineurs

dimanche 22 février 2009

Le 3 décembre 2008, André Varinard, président de la commission pour la réforme de l’ordonnance du 2 février 1945, a rendu son rapport pour lutter contre la délinquance des mineurs.

La logique générale des propositions formulées est particulièrement dangereuse car, conformément à la commande du gouvernement, il s’agit de remettre en cause de manière radicale les spécificités de la justice des enfants sous couvert de modernisation.

L’ordonnance de 1945 a consacré trois principes essentiels auxquels les professionnels concernés, qui en connaissent les implications, restent très attachés :

 la primauté de l’éducation sur la répression ;

 la différentiation des peines entre majeurs et mineurs ;

 la spécialisation des juridictions pour les enfants.

Or, si le rapport Varinard rappelle ces principes, certaines de ses propositions les battent clairement en brèche.

En particulier, la possibilité d’emprisonner un enfant dès l’âge de 12 ans en matière criminelle et l’instauration d’un tribunal correctionnel pour les 16-18 ans constitueraient une régression majeure, tristement cohérente avec la décision prise récemment d’affaiblir la protection de l’enfance en diminuant ses crédits de 40%...

Ces orientations sont justifiées par une évolution prétendument radicale de la délinquance juvénile. Pourtant, comme l’a démontré le sociologue Laurent Mucchielli, chiffres officiels à l’appui[1] :

 il n’est pas vrai que la délinquance des mineurs ne cesse d’augmenter tandis que celle des majeurs baisse ;

 il n’est pas prouvé que les mineurs délinquants sont « de plus en plus jeunes » :

 on ne voit pas ce qui permet de dire qu’il existe un problème grave et particulier avec les mineurs de moins de 13 ans ;

 il n’est pas juste de laisser croire que les mineurs délinquants ne font l’objet que de mesures éducatives et que les juges sont naturellement « laxistes ».

La philosophie qui est à l’œuvre est claire : les enfants n’ont plus de problèmes, ils sont le problème.

Nous refusons la conception de la société que sous-tend cette vision non seulement de l’enfance, mais plus généralement de la jeunesse.

Régulièrement ciblée par les dispositifs instaurés au nom de la lutte contre l’insécurité, dont la multiplication démontre à elle seule la totale inefficacité (loi sur la sécurité intérieure, loi relative à la prévention de la délinquance, lois sur la récidive, fichier EDVIGE…), la jeunesse revendique aujourd’hui un meilleur accès à l’éducation et une amélioration de ses conditions de vie.

Le droit à l’avenir de notre jeunesse devrait constituer une priorité politique. Ce n’est pas en stigmatisant les plus jeunes et en brandissant la menace d’une répression accrue - qui a déjà largement montré ses limites s’agissant des majeurs - que notre société va permettre à la jeunesse de se construire.

Nous, organisations syndicales, associatives, politiques et citoyennes, regroupées au sein du Collectif Liberté, Egalité, Justice (CLEJ), réclamons l’abandon d’orientations et de propositions injustes et inadaptées à la réalité des problèmes posés. Nous revendiquons un réengagement de l’Etat et de ses moyens dans le secteur de la protection de l’enfance, afin que l’éducation revienne au centre des politiques concernant la jeunesse en difficulté.

Nous appelons les magistrats, les travailleurs sociaux de la Protection Judiciaire de la Jeunesse, de l’Aide Sociale à l’Enfance et des collectivités territoriales, les professionnels de la psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent, les enseignants, les parents, et leurs organisations à se mobiliser contre la stigmatisation voire l’abandon de la jeunesse, contre la logique de l’enfermement et pour la prévention, l’éducation et le soin.

Informons ! Dénonçons ! Agissons ! Organisons localement, en commun, des collectifs d’opposition !

Appel du Collectif Liberté, Egalité, Justice (CLEJ) du 2 février 2009 (date anniversaire de l’ordonnance de 45).

Organisations signataires : SM, SAF, LDH, SNPES-PJJ/FSU, CGT-PJJ, FCPE, USP, UNEF, CGT-Pénitentiaire, SNEPAP/FSU, PS, PCF, LES VERTS, LCR, NPA, MJS, FSU, SUD SANTE-SOCIAUX, SNU-CLIAS/FSU, GENEPI (membre observateur).

[1] Revue Champ pénal, numéro du 11 décembre 2008 (http://champpenal.revues.org/document7053.html)