Communiqué de presse du 14/02/2011
Sept ans après son premier rapport où il avait "inventé" l’idée fallacieuse du dépistage dès la crèche
des bébés agités pour prévenir la délinquance, J.A. Benisti récidive dans un second rapport sur la
prévention de la délinquance des jeunes. On aurait pu s’attendre à des propositions qui aient atteint
l’âge de raison. Malheureusement les mêmes présupposés erronés persistent, malgré un langage plus
policé et des précautions oratoires. L’auteur se souvenant sans doute de la réprobation massive par
la société de son premier rapport, et des 200 000 signataires qui, en quelques semaines, ont répondu
à l’appel "Pas de 0 de conduite pour les enfants de trois ans".
Ainsi, finaud, M. Benisti concède que tous les enfants présentant "des signes de mal-être à 3 ans ne
deviendront pas des délinquants à 15 ans". Mais ne cède pas quand il maintient qu’"on constate à
l’inverse, parmi les mineurs délinquants, un certain nombre de points communs dès leur plus jeune
âge". Dès lors il retombe in fine sur une proposition fleurant bon la détection précoce des futurs
délinquants, en concluant : "C’est pourquoi il est fondamental de focaliser la politique de prévention
de la délinquance sur la prévention précoce".
Dans cet esprit, la philosophie du nouveau rapport de M. Benisti se résume entièrement à l’objectif
affiché de "Faire de la politique de prévention de la délinquance le carrefour de toutes les autres
politiques : sociales, ville, judiciaire, protection de l’enfance, scolaire".
Le collectif Pasde0deconduite s’élève contre cette énième tentative, quelques mois après la
publication du rapport de M. Bockel, de pervertir la prévention auprès des bébés et de leur famille en
l’annexant à la politique de prévention de la délinquance. Mais que vient donc faire la prévention de la
souffrance psychique et des difficultés de développement des jeunes enfants dans la galère de la
prévention de la délinquance ? Et qu’ont à faire dans cette même galère le "développement de la
capacité langagière d’un enfant", la "culture précoce de la parentalité et de la bientraitance dès les
premiers mois de vie", ou la proposition de "Rendre les écoles maternelles obligatoires pour les
enfants de 3 ans" ?
En reprenant les propositions de "cours de parentalité" si proches des projets de "coaching parental"
chers à M. Bockel, en proposant de subordonner la protection de l’enfance à la prévention de la
délinquance, en appelant les professionnels à une "obligation d’informer les maires de tout ce qui
peut porter atteinte à la santé et à l’équilibre des enfants", le rapport 2011 de M. Benisti nous rejoue
la partition de son rapport 2004. Une partition fondée notamment sur l’infantilisation, la suspicion et
la sanction à l’égard des parents, et sur une nouvelle tentative de mettre au carré les professionnels
en leur assignant une mission de pistage et de contrôle qui dévoie la pratique et l’éthique de leurs
métiers.
Le collectif Pasde0deconduite réaffirme que la prévention prévenante est une finalité en soi qui n’a
pas à se légitimer à l’aune des politiques de sécurité. Il appelle à ne pas céder à une telle
manipulation qui relève au mieux d’une erreur idéologique, au pire d’un mensonge stratégique visant
à concentrer les ressources et les moyens publics dans des dispositifs sécuritaires au détriment des
institutions de santé, d’éducation, d’action sociale.
Le collectif Pasde0deconduite défend l’importance d’une prévention psychologique prévenante qui
s’adresse aux enfants et à leur famille pour éviter que la souffrance, l’inadaptation, la perte de
confiance en soi ne nuisent à leur développement, à leur épanouissement, à leur liberté future. Nous
refusons la défiance à l’égard des jeunes, contrairement à M. Benisti qui se dévoile en citant en
exergue de son rapport : "Ne tardez pas à vous occuper des jeunes, sinon ils ne vont pas tarder à
s’occuper de vous". L’engagement des professionnels du social, de la santé, de la psychologie, de
l’éducation pour la prévention vise à protéger les enfants contre les dommages occasionnés en eux
par des violences subies dans la société et les relations familiales et non à protéger la société et la
famille contre les enfants.
Nous demandons aux pouvoirs publics que les ministères de la santé, de l’éducation, des affaires
sociales retrouvent leurs bébés, au lieu de laisser orchestrer une politique de l’enfance rétrécie à la
prévention de la délinquance par les ministères de l’intérieur ou de la justice.
Le collectif Pasde0deconduite appelle les familles, les citoyens, les professionnels de l’enfance, de la
santé, de l’éducation, de l’accueil et du social, à protéger la petite enfance du sécuritaire, à faire
échec au rapt des bébés par les politiques de lutte contre la délinquance.
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