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Rétention de sûreté : la France renonce chaque jour un peu plus à ses grands principes républicains.

mercredi 16 janvier 2008

Le projet de loi sur la rétention de sûreté vient d’être adopté dans la nuit du 9 au 10 janvier, « dans un hémicycle désert » précise le monde (Le Monde 11/01/08). Alors que la garde des Sceaux Rachida Dati avait promis qu’il n’y aurait pas de dérive possible étant donné les conditions absolument restreintes dans lesquelles elle allait être applicable, plusieurs amendements ont été déposés la veille qui ont purement et simplement supprimé pour une bonne part le caractère restrictif d’application de cette loi. Elle peut désormais s’appliquer à tout auteur condamné à au moins quinze ans de prison au motif d’un crime commis sur un mineur ou bien aggravé.
Comme l’a rappelé l’ancien garde des Sceaux, Robert Badinter, à plusieurs reprises, il y a là abandon du principe fondamental en droit, à savoir qu’une peine d’emprisonnement ne peut être prononcée qu’à l’issue d’une décision de justice qui juge une infraction qui a été commise. Or c’est une première depuis la Révolution Française, des collectifs « d’experts » pourront juger de la potentialité de la récidive et condamner un homme à la prolongation de sa peine sur simple présomption de sa culpabilité à venir. On voit là le caractère intélorable que représente une telle loi qui va à l’encontre des droits les plus fondamentaux en matière de liberté.
Le gouvernement fait une nouvelle fois la preuve qu’il ne souhaite axer ses réformes que sur le volet répressif, c’est-à-dire sur une volonté d’exclure de la société tous ceux qui menacent l’ordre et l’identité (reste à définir le contour que prend ainsi cet ordre et cette identité) et non l’effort d’intégration, prenant tout son sens en république, celui d’aider les plus fragiles en situation de précarité. Car un homme qui a commis un crime, quand bien même il est odieux, a droit tout en purgeant sa peine aux soins et l’aide psychologique qui s’impose afin justement qu’il y ait toutes les chances qu’il ne récidive pas. Un homme qui peut récidiver est un homme qui nécessite des soins psychiatriques et non une rétention de sûreté.
Il y a dans cette loi une facheuse et très pernicieuse confusion entre délinquance et maladie mentale. En condamnant un malade mental à une rétention de sureté, la justice condamne pour la première fois un homme pour ce qu’il est et non pour des actes passés.

R.H., section LDH Paris 14/6